Les dômes servant au stockage du sirop sont toujours présents, flanqués des tours en tôle bleue et blanche, destinées à la transformation des betteraves en sucre. Mais le rythme des camions venant livrer ici leur récolte a cessé depuis 2004, lorsque la sucrerie de Genappe a fermé.
Et en cette journée ensoleillée, le grondement du charroi a été remplacé par le vrombissement des tronçonneuses. Au pied des bâtiments industriels de la sucrerie s’étend en effet une friche de 145 ha dont 66 hectares de site naturel (voir épinglé), le tout à présent racheté par la Région wallonne. Autour d’un des nombreux plans d’eau bordés de roseaux, une vingtaine de jeunes sont occupés à abattre les saules, qui ont colonisé le site. « On doit dégager la vue. C’était tout bouché. Cela a déjà beaucoup avancé », explique Michaël, l’un des volontaires, qui fait partie du projet de chantiers citoyens « Solidarcité ».
Depuis août 2010, la Division de la Nature et des Forêts s’occupe officiellement de la gestion de la partie naturelle des lieux, tout en faisant appel à l’aide de diverses asbl. L’objectif du déboisement partiel d’aujourd’hui : éviter que le milieu ne se « referme » trop, permettre davantage de biodiversité, et le retour de la faune. « Cela peut avoir un effet immédiat. Si on le fait maintenant, elle peut revenir au printemps prochain », estime Jean-François Plumier, ingénieur-chef de cantonnement à la DNF.
Lorsque le site disposera officiellement de son statut de réserve naturelle domaniale – le processus administratif est en cours -, il constituera la plus grande réserve naturelle du Brabant wallon. « Il s’agit de plus de 60 ha de bassins, et de zones humides, en plein milieu du Brabant wallon. C‘est un lieu unique par la taille et par la diversité. Il est extrêmement riche en termes ornithologiques. C’est aussi un lieu d’arrêt pour les migrations. Pour celles-ci, la halte doit évidemment se trouver dans un couloir migratoire. Et c’est le cas ici car ce couloir suit la Dyle, qui coule juste à côté. »
Et puis, il y les plans d’eau qui attirent les oiseaux du haut du ciel. « C’est pour cela que le milieu doit être « ouvert » sinon les oiseaux ne peuvent plus voir les bassins ! », note M. Plumier.
« Par exemple, les migrateurs, en fin de nuit, vont essayer de se poser, certains volent parfois très haut, à plusieurs milliers de mètres d’altitude. Ils se repèrent de très très loin, voient l’eau scintiller, et se dirigent vers ces plans d’eau pour faire une petite halte ! Ils vont s’arrêter quelque jours, quelques semaines « , complète Philippe Hermand, ornithologue amateur à l’association Environnement-Dyle qui participe à la gestion de la réserve. « En période hivernale, il y a une grosse population de sarcelles d’hiver. C’est une espèce emblématique ici : cent cinquant à deux cents individus, soit 10 % de la population wallonne. Il y a aussi des espèces qui nichent ici sur le site. On a une petite colonie de mouettes rieuses, il n’y a pas beaucoup d’endroits en Wallonie où les mouettes nichent . »
A Genappe, l’avifaune ne se retrouve pas au bord de quelconques étangs, mais auprès de « bassins de décantation », caractéristiques de la production sucrière : « Il fallait laver les betteraves chargées de terre et d’éléments végétaux », explique Michèle Fourny, présidente d’Environnement-Dyle. « Les eaux de lavage décantaient, on laissait se déposer les terres et les éléments végétaux. Au fil des décennies, la sucrerie a creusé des bassins pour y mettre l’eau. Quand ils étaient remplis, elle en creusait d’autres; on ne les vidait pas. Depuis des décennies, ce sont des lieux qui attirent l’avifaune. La richesse des bassins fournit une variété d’habitats. »
Parmi la vingtaine de bassins, certains sont remplis d’eau, d’autres à sec, mais tous sont reliés par un réseau de conduites à présent couvertes de rouille. L’objectif, à terme, serait de remettre à profit ce système de circulation de l’eau, qui fonctionnait par pompage et gravité. « Le système des bassins de décantation fonctionne comme des jardins suspendus, avec des hauteurs différentes. On garderait le plus haut comme citerne. On pourrait avoir ainsi une gestion des niveaux d’eau dans les bassins », détaille Jean-François Plumier.
Jouer ainsi sur les vannes permettrait entre autres d’attirer des espèces différentes en fonction des niveaux d’eau. Pour l’instant, l’eau de pluie ne suffit pas à remplir tous les bassins. Il faudrait donc peut-être pomper l’eau dans un éventuel bassin d’orage, estime Philippe Hermand. Cela demandera donc des investissements et des études, convient-il, mais cela pourrait permettre d’attirer encore davantage d’espèces d’oiseaux que les quelques 150 déjà recensées.
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