Film Sans sucre – interview

janvier 2015

/

Social

film


Présenté dans « Carré Blanc », Sans sucre est un court-métrage de Christian Van Cutsem, réalisateur au Videp, Vidéo Education Permanente. Un film de mémoire pas tout à fait comme les autres puisqu’il a gagné son pari : rattacher le sujet à l’humain et son devenir.

Centre culturel de Genappe : « Comment est né le film Sans sucre ? »

Christian Van Cutsem : Montée à l’initiative du Centre culturel de Genappe, cette réalisation est née de l’envie de donner la parole à des gens pour qui l’ancienne sucrerie de Genappe parlait. Très vite, j’ai souhaité que les personnes témoignent de leur vécu mais aussi de leur vie d’aujourd’hui et de leurs rêves.

CCG : « Quelle était votre intention au moment d’entamer ce projet ? »

C.V.C. : Je ne voulais pas d’un film de plus où on montre des travailleurs en perte d’emploi. Les questions que j’avais envie de susciter visaient plus large : « Quels choix fait-on pour sa vie ? Peut-on faire sortir de ces épreuves quelque chose de valorisant ? Quel pouvoir a-t-on sur son avenir ? ». Par exemple, la question « Est-ce qu’on perd sa vie en la gagnant ? » est vitale pour Éric, le sportif.

CCG : « Vous avez réuni quatre personnes d’horizons très différents. Comment les avez-vous choisies ? »

C.V.C. : Subjectivement et par recoupement, ce qui permettait de rassembler des regards et des vécus différents. Pour moi, la mémoire ne concerne pas uniquement une génération. Elle tient compte des projets d’avenir, de l’aspect environnementaliste avec Michèle par exemple… Dans un court-métrage, le temps est limité et nous ne souhaitions pas multiplier les témoignages. Nous avons opté pour un accompagnement de chacun, sans recherche de points de vue historique ou scientifique. Quand je réalise, je pose une empreinte mais je ne vais pas décider qui a raison ou pas.

CCG : « Il était important de situer le film sur les lieux de vie des personnages ? »

C.V.C. : Cette mise en situation est nécessaire, la mémoire s’y dévoile différemment, elle se raconte de manière plus habitée. Les paroles s’entrechoquent avec les images. Le  spectateur peut alors comprendre l’importance d’avoir un boulot, le désarroi dans lequel on se trouve quand on le perd, etc.

CCG : « Pour le tournage, vous avez projeté en pleine nuit des images sur les silos. D’où vous viennent ces idées « saugrenues » ? »

C.V.C. : Les photographies anciennes sont intéressantes car elles donnent une bonne représentation de ce qu’était l’usine. Dernièrement, j’ai travaillé avec un groupe de femmes au départ d’images projetées sur des murs. Un processus qui les pousse vers de nouvelles réflexions. Comme je suis soucieux de donner aux gens une place importante, j’essaie qu’ils ne subissent pas mes questions. Souvent, je leur cite juste quelques mots et ils construisent le reste du récit…

CCG : « Qu’avez-vous retiré de cette expérience? »

C.V.C. : Cela m’a convaincu que la vie est composée de moments plus forts que d’autres et qu’il est important de s’y attarder.

CCG : « Quel est le témoignage qui vous a le plus touché ? »

C.V.C. : Celui de Gilbert à qui je présente une photo prise deux jours après la fermeture de l’usine

en 2004. Il reste muet puis se met à énumérer tous les numéros de matricules qu’il connaissait encore par cœur! Pour lui, derrière ces chiffres se trouvent des personnes qu’il n’a pas oubliées.

CCG : « Une fin ouverte ? »

C.V.C. : Certainement. La dernière scène pourrait être muette. On y verrait le jeune Damien dans sa voiture, la nuit avec ses potes… La suite reste à construire.


/